avril 2023
Catalogue d’exposition Usine Utopik
Exposion Stargate
En écho aux détournements de l'esthétique moderniste, notamment expérimentée par le mouvement de l’architecture radicale des années 1970, Johann Van Aerden appréhende les formes de bâtiments existants et d’autres objets issus de la société industrielle, comme une substance malléable dans laquelle il vient injecter l’enchantement et l’absurdité de la fiction. Des silhouettes impénétrables empruntées aux architectures brutalistes et expérimentales deviennent ainsi les inquiétants protagonistes de paysages à la nature insaisissable, paraboles ironiques d’un présent aux tendances paradoxales.
Si le dessin reste le moyen dominant pour donner vie à ces perspectives anticipatrices, le diorama et l’installation permettent par ailleurs de propulser la simulation de ces projections visionnaires dans le réel. C’est le cas de sa série Chrones, où l’artiste donne corps à ces entités éponymes tirées du roman La horde du contrevent d’Alain Damasio, jusqu’à les sortir de leur bidimensionnalité en les matérialisant dans l’espace au moyen de la sculpture et de la maquette. De même, la transformation du dessin en animation 3D ajoute une dimension réaliste supplémentaire grâce à la mise en mouvement et au déplacement de l’angle de vue. Ces courtes vidéos donnent également vie et relief aux éléments dessinés dans sa série Les îles solastalgiques. Les lois physiques peuvent y être librement détournées au profit de situations surnaturelles et de phénomènes narquois.
A partir de cette perméabilité entre les supports, l’artiste instaure un dialogue permanent entre les formes synthétiques de l’outil numérique et celles organiques du geste manuel. Au-delà de ses incursions computationnelles dans les banques de données et les logiciels libres, il confie ses feutres à un traceur numérique qui convertit les lignes de l’écran en traits dessinés sur le papier, tout en complétant ensuite certaines parties à la main.
Profitant de cette émulation, les univers échafaudés par Johann Van Aerden viennent questionner la postérité des interactions entre technologie, humanité et écologie. Dans le prolongement des exercices visionnaires menés par les débuts de la science-fiction, ses oeuvres proposent d’ouvrir de nouvelles portes vers des voyages métaphoriques afin de remettre au centre de nos imaginaires, comme le suggère la chercheuse Alice Carabédian dans son récent ouvrage Utopie radicale, la question fondamentale d’où voulons-nous aller ?
1 Donna Haraway, Vivre avec le trouble, Vaulx-en-Velin, Ed des Mondes à faire, 2020, p.12